Introduction

Le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) de l’Ouganda a commandé cette étude rapide pour recueillir des informations afin d’améliorer la prise en charge du paludisme grave, surtout au niveau des soins de santé primaires. Cette mesure fait suite à l’adoption de l’artésunate injectable (AS Inj) en traitement de première intention pour la prise en charge du paludisme grave chez l’enfant et chez l’adulte, et à l’adoption de l’utilisation de l’artésunate rectal (ASR) en intervention de pré-transfert dans la stratégie de prise en charge du paludisme grave chez l’enfant. L’étude rapide a examiné les différentes possibilités de l’Ouganda pour améliorer la prise en charge des cas de paludisme grave dans les établissements de santé primaires (III et IV), qui sont les plus proches des communautés et qui devraient servir de premier point de contact pour les prestations de santé pour de nombreuses personnes.

Les objectifs de l’étude étaient d’évaluer les capacités de prestations de santé liées au paludisme grave dans des établissements de santé primaires sélectionnés, d’identifier les défis et les opportunités pour améliorer les prestations, et de fournir des recommandations pour combler les lacunes identifiées.

L’étude s’est déroulée dans 13 établissements de santé, dont six centres de santé de niveau IV, six de niveau III et le Service de pédiatrie de l’Hôpital de référence régional de Jinja (JRRH). Les données utilisées dans l’étude ont été recueillies à l’aide de diverses méthodes, dont une analyse de la littérature, un audit des établissements de santé, et des méthodes qualitatives, telles que des interviews du personnel des établissement de santé, des interviews d’informateurs clés des équipes de santé villageoises, des groupes de discussions communautaires (FGD), et des réunions de consultation avec les parties prenantes au niveau des districts et au niveau national.

Résultats

Le personnel effectuait les tâches attendues dans les 13 centres de santé visités, y compris le triage, le diagnostic et le traitement des patients. Le temps d’attente était en moyenne plus court dans les établissements de santé de niveau III (entre 5 et 30 minutes), que dans certains établissements de niveau IV, où le temps d’attente était apparemment de plus de 2 heures. La qualité des prestations dans les établissements de niveau III était variable.

En ce qui concerne la prise en charge du paludisme grave, la plupart des établissements ont déclaré que certains de leurs employés avaient reçu une formation sur le diagnostic microscopique du paludisme ou sur l’utilisation des TDR. La plupart des employés ont mentionné avoir reçu une formation sur l’AS Inj, tandis que les employés de seulement 4 établissements sur les 13 ont mentionné avoir reçu une formation sur l’utilisation de l’ASR. De nombreux employés ne savaient pas qu’une formation sur l’ASR existait, et que l’ASR était utilisé en intervention de pré-transfert. Il était difficile de savoir si le personnel des établissements de santé dans les quatre districts visités avait accès à un programme de formation médicale continue structuré.

Le traitement de première intention du paludisme grave le plus souvent mentionné était l’artésunate injectable, mais certains agents de santé préféraient utiliser la quinine plutôt que l’artésunate. Les ruptures de stock étaient fréquentes. L’AS Inj n’était pas disponible dans trois établissements et l’ASR n’était disponible que dans trois établissements. Les pénuries étaient attribuées à l’irrégularité de l’approvisionnement, due principalement aux centres de niveau III qui envoient aux établissements de santé des quantités de médicaments prédéterminées plutôt que des quantités demandées en fonction des besoins.

Discussion

La politique du paludisme grave en Ouganda semble permettre une prise en charge adéquate des cas. Cependant, cette évaluation a mis en évidence des lacunes critiques. La lacune la plus importante est liée aux directives expliquant quel niveau des soins de santé doit prendre en charge quelles manifestations du paludisme grave, ce qui entraîne des variations dans la gamme des prestations offertes par les établissements de santé de niveaux III et IV. La politique recommande de n’utiliser l’AS Inj que dans les centres de santé de niveau IV, et pourtant il était aussi utilisé dans les centres de santé de niveau III.

Étant donné le niveau des effectifs, des équipements et des médicaments disponibles observés, les établissements de niveaux III et IV prenaient en charge un nombre limité de cas de paludisme grave, et transféraient les cas qu’ils ne pouvaient pas gérer eux-mêmes. Cependant, l’évaluation a mis en évidence leurs connaissances limitées sur l’intervention de pré-transfert dans les établissements de niveau IV, alors que ces établissements recevaient des cas adressés chez eux et transféraient ceux qu’ils ne pouvaient pas prendre en charge. Nos résultats suggèrent qu’il faudrait fournir l’ASR aux établissements de niveau IV et à tous les niveaux inférieurs, et que l’AS Inj pourrait être requis aux niveaux III et IV.

Il est possible d’améliorer l’approvisionnement en médicaments et la surveillance. Les résultats de l’étude montrent que les produits requis pour traiter le paludisme grave n’étaient pas fournis systématiquement selon les besoins. Les ruptures de stock des produits diagnostiques pour le paludisme (réactifs, bandelettes pour le test de glycémie, kits de TDR, lames pour frottis sanguins pour le paludisme, etc.) et des produits sanguins pour transfusion avaient un impact négatif sur la prise en charge des cas de paludisme grave.

Enfin, les données des établissements sur la charge de travail, la morbidité et la mortalité indiquent que les décès liés au paludisme augmentent avec l’augmentation du niveau des établissements de santé, en grande partie à cause du système sous-optimal d’orientation des patients. Les difficultés de transfert des cas de paludisme grave, associées à l’incapacité à prendre en charge les cas aux niveaux primaires du système de santé pourraient contribuer aux retards de traitements conduisant aux décès.

Conclusions

Notre étude conclut que l’on pourrait améliorer la prise en charge des cas de paludisme grave aux niveaux III et IV en Ouganda. L’AS Inj est fourni dans les deux types d’établissements, mais sans soutien adéquat en termes de formation, de documents de référence et de transfert des patients. L’ASR est actuellement fourni dans les centres de niveau III mais il pourra aussi être bénéfique dans les centres de niveau IV.
 

Recommandations

1. Le PNLP devrait envisager la mise à jour des directives thérapeutiques et des protocoles pour clarifier les différentes manifestations du paludisme grave qui devraient être prises en charge dans les établissements de niveaux III et IV en:

  • Fournissant des directives adéquates
  • Donnant les capacités nécessaires pour fournir un minimum de prestations
  • Réévaluant le meilleur positionnement de l’ASR
  • Collaborant étroitement avec l’Entrepôt Médical National (NMS) pour assurer un approvisionnement régulier des produits requis pour le traitement et la prise en charge en pré-transfert des patients atteints de paludisme grave
     

2. Le Ministère de la santé devrait prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour que les établissements de santé soient capables de fournir les prestations minimales stipulées dans les Directives thérapeutiques nationales, y compris les prestations nécessaires pour le traitement et les soins de soutien.
 

3. Les Bureaux de santé du district devraient élaborer ou mettre à jour leurs plans pour mettre en place des formations en cours d’emploi sur tous les aspects du paludisme grave, conformément aux directives thérapeutiques. Ces plans devraient aussi inclure une formation sur l’administration et la gestion pour les responsables de chaque établissement de santé.

4. Le Ministère de la santé devrait réévaluer le système actuel d’orientation des patients atteints de paludisme grave afin de le renforcer, et de déterminer le meilleur équilibre entre les contributions des utilisateurs des établissements de santé et celles du Gouvernement.

5. Comme stratégie pour réduire les décès liés au paludisme grave, le PNLP devrait promouvoir de toute urgence des mesures permettant de renforcer la prise en charge du paludisme simple dans les établissements de santé de niveaux III et IV, et travailler avec l’Autorité Nationale des Médicaments (NDA) pour que le système de distribution des médicaments fonctionne efficacement.

6. Pour réduire la mortalité liée au paludisme grave, le Ministère de la santé, le PNLP et les parties prenantes devraient donner la priorité à l’audit des décès liés au paludisme grave.

Remerciements

Ce rapport a été préparé par le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) de l’Ouganda, le Ministère de la santé de l’Ouganda en partenariat avec MMV (Medicines for Malaria Venture), Child Health and Development Centre, l’Université de Makerere, et Development Data. Le PNLP a demandé le soutien de MMV pour la production d’un rapport permettant de mieux comprendre comment améliorer les pratiques actuelles de prise en charge des cas de paludisme grave dans les centres de santé de niveaux III et IV en Ouganda. L’étude rapide décrite dans ce rapport donne une vue d’ensemble sur les mesures à prendre pour améliorer la prise en charge des cas de paludisme grave. Le PNLP et le Ministère de la santé de l’Ouganda ont accepté de mettre ce rapport à la disposition du public via le SMO (Observatory of Severe Malaria) et de le partager avec leurs différents partenaires.